


Il y a quelques années, j'ai eu la chance de gérer la sécurité sur l'une des tournées du Cirque du Soleil (Dralion) aux États-Unis. L'une de mes tâches consistait à engager une compagnie locale de sécurité; au rythme de 7 à 10 par année. J'ai donc pu rencontrer et discuter avec beaucoup de directeurs/propriétaires d'agences de sécurité.
Dans ces mêmes villes, j'étais également le lien entre le Cirque et la police locale et je devais les rencontrer sur une base assez régulière.
L'un de ces propriétaires d'agences privées, avec qui je discute encore à l'occasion, possède une entreprise de sécurité en Ohio dont le chiffre d'affaire est de plusieurs dizaines de millions de dollars par année. Il m'a déjà dit, quelque part en 2012 ou 2013, que la moitié de son chiffre d'affaire provenait de contrats dont les tâches consistent à "remplacer" la police (surtout) et les militaires.
Ce propriétaire a, auparavant, été Shérif pendant 32 ans. Il sait donc ce qu'est une tâche policière...
Quelques années plus tard, toujours dans le cadre de mon travail, j'ai eu l'occasion de travailler à quelques reprises avec les services secrets et le FBI américain. Encore ici, j'ai aussi eu de sérieuses et enrichissantes discussions avec eux; ce qui m'a permis d'en apprendre encore d'avantage sur le fonctionnement du système américain.
Et dans toutes mes discussions sur ce thème, il y avait toujours la même constante: la sécurité privée prenait de plus en plus de place au "détriment" des services publics. Bien sûr, à la suite des événements de septembre 2001, les policiers ont dû redéfinir leurs priorités et certaines de leurs "anciennes tâches" n'en faisaient plus parties.
Et les agences de sécurité étaient présentes et prêtes à prendre la relève.
Au début, cela n'avait rien à voir avec les coûts car toutes les vannes monétaires étaient ouvertes... Mais par la suite, les budgets sont redevenus un enjeux important et les agences de sécurité ont conservé leur place dans l'organigramme.
Quelles tâches ces agents de sécurité avaient-ils "pris" à la police ?
Pour n'en nommer que quelques unes: surveillance de scènes de (certains) crimes ou d'accidents, émission de certains constats d'infraction quant à des règlements municipaux ou du code de la route, distribution de certains papiers légaux (citations, subpoenas, etc.), exécution de certains mandats, et encore bien d'autres...
Au Canada, chez nous, que faisons-nous ? Il y a bien certains mandats de patrouille en sécurité publique qui sont maintenant confiés à l'entreprise privée; mais mis à part ça, nous n'avons pas suivi le balancier américain.
Pourtant, plusieurs études canadiennes poussent en ce sens, comme celle du Conseil Canadien des Académies (2013 - lire le rapport ici) ou comme celle de l'Institut Économique de Montréal, publiée en 2014, et qui s'intitule " Des renforts privés à la police publique" Lire le rapport ici
En janvier 2015, Stephan Crétier (Garda) s'est d'ailleurs prononcé, sans aucune surprise, en faveur de ce dernier rapport. Dans son communiqué de presse à cet effet, il mentionne ceci:
...« Si, plutôt que de concentrer leurs efforts aux tâches auxiliaires, les corps policiers du Canada pouvaient se consacrer pleinement à leurs rôles de police de proximité, d'enquête et de prévention, la population n'en serait que mieux servie et plus en sécurité"...
...« Nous avons, en tant que société, confié à nos policiers de nombreuses tâches connexes qui consomment trop de leur temps, affirme M. Crétier. Pourquoi est-ce qu'un policier, qui gagne plus de 100 000 $ par an, consacre ses journées à la sécurité routière, à la transcription d'entretiens, aux alertes de cambriolage ou encore à la sécurité dans les salles de tribunaux ou lors d'événements?"...
Je suis tout à fait d'accord avec lui sur ces points.
Mais je ne le suis plus sur cette autre citation de M. Crétier:
..."Ces tâches seraient tout aussi bien accomplies par un gardien de sécurité du secteur privé, qui a d'ailleurs une formation comparable et qui reçoit le tiers du salaire d'un policier. »
Penser que la formation de 70 heures (240 heures pour certains) que reçoit un agent de sécurité est égale à celle de 2,5 ans de Cégep et de 6 mois de spécialisation à Nicolet est totalement ridicule. Attention ! Je ne veux pas dire que tous les policiers sont supérieurs et/ou plus efficaces que certains agents de sécurité...ni plus intelligents ! (D'ailleurs, je vous raconterai un jour une anecdote à cet effet sur mon "interaction" avec la police de la Nouvelle-Orléans...) Je veux seulement dire que les deux formations ne peuvent pas se comparer.
Mais est-ce qu'on pourrait donner des formations supplémentaires à certains agents ? La réponse est évidemment oui.
Nous savons qu'il y a actuellement plusieurs policiers retraités qui travaillent en sécurité privée. Est-ce que ces anciens policiers ont perdu toutes leurs connaissances et leurs compétences le jour de leur retraite ? Bien sûr que non. Est-ce que ces anciens policiers, donc, pourraient déjà accomplir certaines tâches dites "policières" ? Et est-ce que ces anciens policiers pourraient former des agents à certaines tâches dites "policières" ? La réponse est encore oui.
C'est certain qu'il faudrait changer quelques lois; notamment sur les "statuts hiérarchiques" (agent de sécurité vs agent de la paix), pour qu'un agent de sécurité puisse avoir l'autorité nécessaire à l'accomplissement de ces "nouvelles" tâches. Ce serait relativement assez facile...
Est-ce qu'un agent de sécurité pourrait prendre les empruntes digitales de prévenus ? Oui
Est-ce qu'un agent de sécurité pourrait confirmer les photos vs les vitesses prises par des photo-radars ? Oui
Est-ce qu'un agent de sécurité pourrait effectuer certaines tâches de prévention dans les commerces ? Oui
Est-ce qu'un agent de sécurité pourrait vérifier et enquêter sur la Limba (alcool) et les jeux ? Oui
Est-ce qu'un agent de sécurité pourrait faire des patrouilles statiques et/ou de prévention ? Oui
Est-ce qu'un agent de sécurité pourrait.... Oui, Oui et encore Oui.
Faudrait juste nous donner la peine, en tant que société, de faire ces choix.
La police demeurera essentielle dans certaines tâches; mais pas dans toutes. Et c'est là que nous, les agents de sécurité, pouvons y jouer un rôle. Un rôle opérationnel, bien sûr; mais aussi un rôle "monétaire" en faisant en sorte que la répartition des budgets tienne compte des nouvelles réalités: un agent de sécurité coûte moins cher qu'un policier.
Le RGSI (Regroupement des Gestionnaires en Sécurité Interne) organise justement un colloque à cet effet et tous sont invités à y participer. Ça se tiendra le 30 avril, à Montréal, et vous pouvez obtenir plus d'information sur le site du RGSI.ca.
En tout cas, moi, j'ai bien hâte d'entendre et d'échanger avec mes partenaires de l'industrie sur ce sujet que je trouve excessivement intéressant...
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